(18-11-2020, 23:40)foutchebol a écrit : [ -> ]Cas concret : dans la situation de pandémie qui nous concerne, je me pose des questions sur les vaccins candidats jusqu'à ce jour. Tous utilisent la technologie dite de l'ARN messager, et à l'heure actuelle ça reste une technique sur laquelle on n'a pas énormément de recul si je dis pas de bêtise. Ce serait le premier vaccin de ce type appliqué à l'homme.
Les vaccins de Moderna et Pfizer, les plus avancés, reposent sur cette technologie en effet. D'autres solutions sont aussi en Phase III et ne sont vraiment pas loin de montrer le bout de leur nez.
En fait on peut diviser les candidats en 3 groupes:
- technologies classiques (qui sont utilisées pour de nombreux vaccins),
- technologies modernes (qui sont utilisées pour certains vaccins plus récents sous licence)
- et nouvelles plates-formes (qui n'ont jamais été utilisées pour un vaccin sous licence), c'est le cas des technologies basées sur l'ARNm
Pour le classique:
Les vaccin inactivés sont l'exemple typique. On isole le virus, on le développe en culture cellulaire, puis on le collecte et on le concentre (généralement par ultracentrifugation). Suite à cela, on le tue physiquement ou chimiquement, et on a un vaccin. Cette méthode a deja fonctionné pour de nombreux virus: hépatite A, grippe, etc.. Le virus ne peut plus infecter les cellules, mais le système immunitaire y répond, principalement en fabriquant des anticorps.
Il est tout a fait possible d'utiliser cette technologie sur le Covid, mais il faut disposer d'une installation de production avec une sécurité biologique élevé. Plusieurs vaccins reposant sur cette technologie sont en cours de développement en Chine, en Inde et au Kazakhstan , certains étant déjà en phase III. Mais comme ils ne sont pas développés aux États-Unis ou en Europe, c'est peu probable qu'ils soient mis sur le marché en occident.
Les vaccins vivants atténués sont une autre plateforme classique. Ici, le virus est génétiquement affaibli. Autrefois, on immergeait le virus dans des conditions défavorables jusqu'à ce qu'il "préfère" cet environnement a un hôte humain. Ensuite, on inoculait le virus aux patients de façon a ce qu'il se développe suffisamment pour ne pas les rendre malade, mais assez pour "mimiquer" une infection naturelle, et déclencher une réponse immunitaire similaire à celle du virus pathogène. De nos jours, il existe d'autres moyens de le faire, par exemple en modifiant le code génétique pour qu'il ne soit plus capable d'agir normalement ou simplement en supprimant un gène du virus dont il a besoin pour rendre les humains malades (codon deoptimization, etc...). Problème: les coronavirus sont difficiles à manipuler génétiquement, et il pourrait y avoir un risque avec ces vaccins pour les personnes dont le système immunitaire est affaibli ...
Les vaccins contre la rougeole ou la fièvre jaune par exemple, utilisent cette technologie. Malheureusement, seuls trois vaccins vivants atténués sont en cours de développement pour le Covid ... et ils sont a des stades de développement plus precoces.
En ce qui concerne les technologies modernes:
D'abord les vaccins à protéines recombinantes (on dit aussi hétérologue). Ici on prend le gène d'un antigène viral et on exprime cet antigène dans un système approprié (par exemple, des bactéries, des cellules de mammifères, des cellules d'insectes, des levures ou même des plantes). Aucun virus infectieux n'est impliqué dans le processus, ce qui le rend très sûr. Pour le Covid, il est possible d'exprimer la protéine S, comme pour la solution de Novavax, ou juste le domaine de liaison au récepteur (receptor binding domain - RBD) qui est la partie qui se fixe aux cellules, mais il existe d'autres alternatives. Les vaccins reposant sur cette technologie fonctionnent bien et sont sur le marché contre la grippe, l'hépatite B et le papillomavirus humain (HPV). La technologie fonctionne bien et est sûre. Le favori ici est actuellement Novavax (qui est en phase III au Royaume-Uni) et Sanofi.
Une autre technologie moderne repose sur les vecteurs viraux réplication-incompétents. En gros, vous prenez un autre virus, vous évacuez son propre génome et vous y collez le gène de l'antigène souhaité. Ensuite, vous produisez ces vecteurs dans une lignée cellulaire appropriée. Une fois qu'ils sont injectés, ils forcent certaines des cellules à fabriquer l'antigène. Comme d'habitude l'antigène est ici la protéine S du Covid. La différence est que les vecteurs viraux ne se répliquent pas, mais fournissent simplement les informations génétiques pour que la cellule fabrique l'antigène qui est ensuite reconnu par les cellules immunitaires. Ces types de vaccins sont homologués et considérés comme sûrs pour Ebola dans l'UE. Pour le Covid, certains des vaccins actuellement en phase III sont dans cette categorie, y compris le vaccin CanSino et celui d'AstraZeneca. Ils reposent sur des adénovirus (AdV) qui provoquent généralement des rhumes et des infections du système gastro-intestinal, mais ces vecteurs ne peuvent pas se répliquer et ne sont donc pas pathogènes. Le problème avec les vecteurs viraux est souvent que les humains ont des anticorps neutralisants préexistants qui pourraient intercepter le vecteur avant qu'il n'entre dans les cellules. C'est un gros problème pour AdV5 (CanSino) mais AstraZeneca a contourné ça en utilisant un virus qui ne circule pas chez l'homme (Adenovirus de chimpanze ). Maintenant, si on donne le même vecteur deux fois, on peut toujours rencontrer ce problème, même si on utilise un vecteur qui n'est pas répandu chez les humains. L'énorme avantage de ces vecteurs est qu'ils entraînent de très bonnes réponses des lymphocytes T.
Maintenant, il existe d'autres vecteurs compétents pour la réplication. Ils n'ont pas été modifiés génétiquement mais le gène de l'antigène cible a été ajouté ou a remplacé un gène du virus d'origine. Les virus utilisés pour cela sont généralement des virus qui ne provoquent pas de maladie chez l'homme ou des souches vaccinales. Un de ces vaccins, pour Ebola encore, et basé sur le virus de la stomatite vésiculaire (VSV ...qui infecte généralement les bovins) est homologué dans l'UE et est considéré sûr. Bien qu'il n'y ait pas encore de candidats de premier plan pour le Covid, il existe des candidats prometteurs basés sur une souche vaccinale contre la rougeole qui sont entrés en phase d'essais cliniques. Plusieurs autres sont au stade préclinique. Ces vecteurs sont généralement assez immunogènes car ils déclenchent des réponses immunitaires naturelles lorsqu'ils se répliquent. Mais ils peuvent être problématiques chez les individus avec un système immunitaire affaibli. Les vecteurs viraux inactivés constituent un moyen de contourner ce problème. Ce sont des vecteurs viraux qui expriment l'antigène cible (dans notre cas le pic) et l'affiche également sur le virion. Ces virus peuvent être cultivés, purifiés et inactivés, mais ils sont souvent plus sûrs à cultiver car ils sont généralement inoffensifs. Une de ces approches est basée sur la rage (Bharat Biotech en Inde), une autre est basée sur le virus de la maladie de Newcastle (NDV). Le vecteur NDV est intéressant car il peut être produit en utilisant le processus de production du vaccin contre le virus de la grippe pour lequel il existe une grande capacité de production dans le monde.
Et puis il y a les nouvelles plates-formes de vaccins, ADN et surtout ARNm dont tout le monde a entendu parler avec Moderna et Pfizer.
Voila désolé, c'est long

... et encore il faudrait encore écrire un paragraphe sur les nouvelles technologies et plusieurs sur les corrélats de protection, les performances chez les primates non humains et de ce que l'on sait de leurs performances chez les humains jusqu'à présent, pour les principaux candidats pour le Covid. Je ne suis pas spécialiste du domaine, mais j'ai du y regarder d'assez près dans le cadre de mon boulot. Certains ici seront sans doute mieux placés que moi pour en parler.
Edit: bah l'article de Foutchebol est très bien....