(12-07-2021, 23:57)aqwarium a écrit : [ -> ]@Valiom : Tu penses quoi du fait qu'on mette sur le marché des vaccins qui n'ont pas passés la phase 3 ? Que deux parents doivent signer pour vacciner un mineur ? Que les vaccins obligatoires ne concernent pas les moins de 12 ans ? Qu'on trouve peu d'info. pour les femmes enceintes ? Vraies questions.
Désolé j'étais sous l'eau hier, je n'ai pas vu ta question. Ca risque d'être un peu long et de partir dans tous les sens...donc je m'excuse par avance.
C’est une pratique assez courante de prolonger la phase III et de continuer à surveiller un vaccin après que l'autorisation de mise sur le marché ait été obtenue, essentiellement pour mesurer la durée d’immunité conférée, et moins pour des question de sécurité (les effets secondaires de long terme étant plus rares dans le cas de vaccins). A ce stade énormément de données ont été collectées, l’efficacité est plus ou moins démontrée à court terme, les risques évalués et mitigées lors des phases précédentes et à travers les résultats intermédiaires de phase III.
Il faut rappeler que ces vaccins sont conçus pour déclencher une réaction immunitaire et sont donc assez rapidement détruits par le corps, d’où un risque de long terme structurellement faible (mais pas inexistant). Pour schématiser (dans le cas des techniques utilisées pour C19), ce ne sont que des “messages éphémères” envoyés au système immunitaire, soit sous la forme très pure d’ARN messager, soit sous forme de virus rendus inoffensifs et modifiés pour exprimer le même message (vecteurs viraux). Dans tous les cas ces vecteurs sont complètement incapables de se répliquer, et sont donc dans l’impossibilité de résister à la réaction de défense du système immunitaire (qui perçoit tout ça comme une agression virale) plus de quelques dizaines heures, voire quelques jours. En particulier dans le cas de l’ARNm -qui suscite quelques inquiétudes - une fois que la protéine de pointe est fabriquée, il est détruit par le corps et ne se mélange à aucun code génétique.
Juste pour rappeler en quoi consiste les phases d’essai clinique lors du développement d’un vaccin :
• Phase I (<100 individus) pour vérifier la sécurité initiale et une certaine immunogénicité,
• phase II (autour de 100 individus) explore la sécurité, l'immunogénicité et optimise les doses / schémas thérapeutiques
• phase III (souvent des milliers d'individus) examine l'efficacité du vaccin et la sécurité chez un plus grand nombre de personnes .
Au cours de la phase III, si les résultats intermédiaires sont bons, vous déposez une demande de licence de produits biologiques (BLA) auprès des agences de santé comme la FDA (US) ou son equivalent pour de l’EMA (UE) afin d’être autorise à mettre le vaccin sur le marché. C’est un processus qui peut s’allonger car les agences de santé peuvent demander plus de données si elles ont le moindre doute. Entre le besoin médical initial, l’idée sur la manière de concevoir le vaccin, et les différentes phases, vous pouvez théoriquement vous retrouver avec environ 15 ans de développement.
Pour ceux que ça intéresse, plus de details sur la façon dont les vaccins sont testés, autorisés et surveillés pour s’assurer de leur sécurité, sont accessibles sur le site du Vaccine Knowledge Project de l'Université d'Oxford (
https://vk.ovg.ox.ac.uk/vk/vaccine-development).
Pour en revenir aux vaccins contre le Covid, aux essais de phase III et à leur mise sur le marché :
Après avoir terminé les derniers essais cliniques de phase III, le jab Pfizer-BioNTech a été approuvé pour une utilisation d'urgence par les régulateurs américains en décembre 2020. Pfizer a indiqué qu'il continuerait à monitorer la sécurité des participants à son essai de phase III. Ce qui signifie que tous les participants à l'essai continueront d'être surveillés pour évaluer la sécurité et le niveau d’immunité à long terme, pendant deux ans après leur deuxième dose.
De même, Moderna a déclaré qu’ils continueraient à suivre les participants à son essai de phase III pendant les deux prochaines années. Les données supplémentaires collectées comprendront un suivi de sécurité à plus long terme, la durée de protection contre le C19 et l'efficacité contre l'infection asymptomatique. Je rappelle ici à toutes fins utiles que par design, les vaccins protègent contre une infection sévère et la réplication du virus dans l’appareil respiratoire inférieur, c’est a dire la trachée, les bronches et bronchioles, et les alvéoles…bref tout ce qui constitue les poumons ou presque …Les vaccins n’ont pas été créés pour empêcher la contamination ou la transmission du virus. Cependant pour la plupart des vaccins (notamment ceux a base de technologie mRNA), on observe - en labo et sur le “terrain” - assez peu de réplications virale dans le tractus respiratoire supérieur (composé du nez et de la cavité nasale, du pharynx et du larynx etc..) et donc assez peu de contaminations/transmissions, au moins pour la souche Alpha (l’histoire semble différente en ce qui concerne les variants plus agressifs, mais plus de données doivent être collectées, et étudiées en suivant des processus méthodologiques plus rigoureux que ce qui a été publié récemment par les Israéliens qui parait assez inexploitable)
Les vaccins sont également surveillés par les régulateurs et les différents organismes de santé publique au fur et à mesure de leur déploiement. Par exemple le Royaume-Uni utilise le système de la “Yellow Card” et le gouvernement américain exploite un système appelé VAERS (vaers.hhs.gov/reportevent.html) ou l’on pose quelques questions chaque semaine à toute personne ayant reçu le vaccin pendant les 3/4 semaines suivant l’administration de chaque dose, puis sur des périodes plus espacées.
Il faut être bien clair sur un point : malgré l’apparente rapidité du processus pour ce virus, les vaccins ont complété les étapes nécessaires à chaque essai. Les vaccins sont donc raisonnablement surs et extrêmement efficaces (en particulier Pfizer et Moderna), bien que l’urgence lié à l’impact sanitaire et économique du Covid, ait permis d'accélérer le processus d’autorisation de mise sur le marché dans la plupart des pays. Du point de vue de la mise au point, il faut relever qu’il y a eu un effort mondial sans précédent (j’insiste là-dessus), en termes de collaborations scientifiques et d’investissements financiers (le processus recherche et le développement d’un vaccin est extrêmement onéreux), afin de mettre en commun les ressources pour permettre d'accélérer le développement et la production de vaccin. Ces efforts ont permis que certaines étapes de la recherche et du développement se déroulent EN PARALLELE (voir par exemple ici :
https://www.who.int/news-room/q-a-detail...evelopment
ou ici:
https://www.who.int/emergencies/diseases...19-vaccine).
En d’autres termes, certains essais cliniques ont cherché à évaluer plusieurs vaccins en même temps, pour accélérer le processus, TOUT EN MAINTENANT les normes cliniques et de sécurité.
Pour conclure sur ce point, un élément pour combattre l’idée que le processus de mise sur le marché ait été bâclé d’une quelconque façon, consiste à analyser tout ca d’un point de vue du risque (ou quelque part du point de vue de la Théorie des Jeux). En particulier sous le prisme du risque financier et réputationnel. Il est à la mesure de la responsabilité des régulateurs et des laboratoires. Sachant que la vigilance de tous les observateurs, des autorités, de la presse, des patients est extrêmement élevée, étant donné le contexte sanitaire exceptionnel, il n’est pas difficile de se convaincre que l’intérêt de tous les acteurs a été de minimiser le risque (ou de maximiser le rapport risque/bénéfice en terme de santé publique), car la moindre anomalie dans le processus, la moindre suspicion d’effets adverses, entrainera des procès extrêmement médiatiques et couteux, en particulier aux US.
Concernant les femmes enceintes :
Tous les essais de vaccins contre le C19, comme pratiquement TOUS les essais cliniques pour TOUS les vaccins, ont exclu la participation des femmes enceintes et/ou allaitantes à ce stade ; cependant, les études de toxicité pour le développement et la reproduction chez Moderna n'ont révélé aucun signe inquiétant. Aux US le choix est laissé au patient suivant les recommandations de son médecin traitant, mais dans la plupart des cas il est déconseillé avant les dernières semaines de grossesse, si le patient n’est pas à risque et exposé. Ces précautions ne sont PAS prises par ce qu’il existe à ce jour la moindre contre-indication, MAIS par prudence (principe de précaution), trop peu de données ayant été collectées a ce jour et analyses dans un cadre méthodologique robuste. Je ne suis pas très au courant de ce qui est fait en France, mais comme toujours il doit y avoir un rapport risques/bénéfices pour la personne a prendre en compte dans la décision. Et du côté des risques, le tableau est assez clair : à ce jour, au moins 3 études très sérieuses ont été publiées et semblent indiquer que les femmes enceintes sont plus susceptibles de subir des complications liées au Covid, relativement aux statistiques pour des femmes non enceintes. Pour donner une estimation, le risque de décès des patientes enceintes, consécutif a une contamination par C19 serait 13,6 fois plus élevé que celui des femmes non enceintes du même âge. Une étude, présentée en début d’année, a montré que les taux d'hypertension gestationnelle et de pré-éclampsie sans caractéristiques graves étaient significativement plus élevés chez les patientes enceintes avec des résultats de test PCR positifs pour COVID-19 que chez celles dont le test était négatif pour C19 (voir ici:
https://doi.org/10.1016/j.ajog.2020.12.046).
D’avantage d’études et de multiples efforts sont en cours pour collecter (dans des conditions rigoureuses) plus de données sur cette catégorie de population, mais aux US il y a déjà pas mal de données “terrains” a disposition puisqu'à ma connaissance, plus de 500K femmes enceintes ont déjà été vaccinées car elles étaient à risque ou exposées (personnels de santé - dont pas mal de mes amies - et membres des groupes de vaccination prioritaires…), et plusieurs dizaines de participantes aux essais cliniques de phase III ne savaient pas qu'elles étaient enceintes lorsqu'elles ont reçu leurs injections.