fautC1 a écrit :Vous voulez vraiment faire tomber ma productivité à la limite du néant bande de petits chenapans à ouvrir des sujets comme ça.
A qui il faut s'en prendre lorsque on transforme des gens dont le métier à la base est de transmettre un savoir et de faire de la recherche, en gestionnaires, investisseurs, comptables, récruteurs, commerciaux (dans le sens montage de dossiers pour chercher du financement...) ? Dans les labos les petites mains sont qualifiées dans les métiers ci-dessus (ou pas) en revanche les décideurs sont en règle générale des profs ou des DR. Je ne dis pas qu'ils en seraient pas capables moyennant formation (qu'ils n'ont pas) mais est ce là la valeur ajoutée d'un chercheur ou d'un enseignant chercheur ?
Maintenant vu les coupes sombres dans les budgets il y a de moins en moins de chances que du pognon soit jetté par les fenetres puisque du pognon il y en a de moins en moins. En revanche de plus en plus de charges sont repércutées aux groupes de recherche pour financer des frais fixes. Les budgets obtenus soit par l'état soit par des contrats servent entre autres à payer une sorte de loyer qui revient à l'université d'acceuil, à payer le nettoyage des locaux et les produits de nettoyage etc. etc.
Pour finir une petite anecdote vecue par fautCune. En Avril de l'année dernière elle décide d'acheter un four nécessaire aux travaux de son groupe. Le four en question est financé par ses propres contrats qu'elle s'est démenée (
) pour avoir auprès d'Industriels qui financent encore un peu la recherche fondamentale. Sauf que le fric de ses contrats est stocké à la capitale où l'organisme de tutelle prend une dime au passage. Elle fait la demande d'investo car il faut consommer l'argent qu'il y a sur les contrats dans l'année calendaire où tu as eu le contrat
et on lui répond "OK mais on débloquera les sommes qu'en septembre". C'est déjà sympa comme truc.
Elle négocie son affaire avec le fournisseur qui accepte de baisser le coût moyennant acompte (j'ai oublié de dire que ça n'était pas un four à pizza..). Arrive septembre pas de pognon. Après moulte relances elle débloque ses fonds début octobre et met en place la commande vers le fournisseur et lui paie son acompte. Sauf qu'il y a un hic car le délai de livraison du four est de 4 mois est qu'elle se retrouve (suite au passage en l'an 2008) avec une non consommation d'argent sur son contrat pour 2007. Donc l'organisme de tutelle a été très prompt à récupérer le fric qui restait sur le contrat et tout aussi prompt à dire à ma chère et tendre d'aller se débrouiller pour payer son fournisseur sur ses budgets 2008. 
On peut dire ce qu'on veut sur les chercheurs du CNRS mais faire de la recherche publique aujourd'hui relève plus du sacerdoce qu'autre chose.
Ton anectode ne fait que confirmer ce que je dis. La gestion de la recherche est une vraie gabegie notamment du fait des délais administratifs aberrants.
Ce qui est marrant c'est que tu t'enfades sur les propos de quelqu'un qui vit (subit) tous les jours la recherche publique française et qui en dénonce certains aspects. Tu as un réflexe de défense envers les personnels, presque syndical. Ce qui est drôle c'est que je n'ai pas incriminé les chercheurs. Le seul reproche que j'ai à leur faire c'est d'être là alors qu'ils pourraient être bien mieux ailleurs. Mais la recherche publique est très malade, c'est indéniable, pas nouveau et ne va pas en s'arrangeant.
Pour te raconter une autre bonne blague sur les commandes, nous n'avons rien pu commander pendant 3 mois lors de la fusion de nos UMR dans une Très Grosse Unité, chose qui était pourtant fortement incitée par les autorités. Les délais administratifs paraît-il.
Tiens, la semaine prochaine débutent dans notre labo des travaux électriques (on nous refait tout le réseau). On ne sait toujours pas une semaine à l'avance quand les travaux débutent réellement. Un échéancier des coupures, générale et pièce par pièce, nous a été donné il y a un mois. Aujourd'hui, les "patrons" et les ouvriers de la société n'arrivent pas à s'accorder sur le fait qu'il sera respecté ou non. Pendant ce temps là le labo tournera au super ralenti. Aucune possibilité de planifier des expériences au long cours, que du bonheur. Dans un labo privé, on aurait dit à la société : 'vous êtes mignons, les travaux on les fera quand 1 mois à l'avance vous saurez nous dire quand, comment et où vous allez couper'. Mieux, il y a 1 an, on avait déjà bloqué le labo par 2 semaines de coupure générale d'eau (remplacement des conduites du labo) et l'année précédente on avait du s'arrêter de bosser 3 semaines pour le remplacement des hottes aspirantes....
Bref, tous les ans, on fait des travaux bloquants, bien sûr pas pendant les périodes de fermeture, bien sûr sans information claire, et bien sûr, pas plusieurs d'un coup. Quand on pense que le temps qu'on met à libérer et à réoccuper une pièce correspond à 10-15j, que certains appareils doivent être recalibrés toussa toussa.
Et le pire, c'est que malgré ces travaux réguliers, le labo viole de nombreuses normes de sécurité et, le même dans le privé, n'aurait pas le droit de tourner
Pour préciser le management, ce qui est très couillon c'est que se retrouvent aux postes de direction le plus souvent les "meilleurs chercheurs". Non seulement ils ne sont plus autant à la paillasse ou à l'encadrement des non-permanents (temps récupéré pour les tâches administratives, encore et toujours, et autres joyeusetés) mais en plus les qualités d'un chercheur et celles d'un manager sont bien différentes. Alors il y a une formation contrairement à ce que tu dis (j'en ai justement discuté avec notre nouveau directeur la semaine dernière). Mais de mon expérience personnelle dans plusieurs labos public et pour avoir bossé dans le privé, Cana rien à voir.
Voilà pour la victimologie du chercheur.
Les autres problèmes :
Le chercheur passionné qui ne compte pas ses heures n'a presque aucune reconnaissance matérielle supplémentaire par rapport à celui qui ne bosse pas (et il y en a)
Les émérites et autres mandarins qui brouillent le jeu
La partie enseignement de l'enseignant chercheur est avant tout un poids pour sa carrière. Dur dans ces conditions de développer un enseignement sup' de qualité et voilà pourquoi certains cours ne changent pas d'une virgule en 20 ans (quel intérêt de rester au contact de la recherche alors ?)
De même, les charges d'encadrement ne sont pas assez reconnues, du coup beaucoup de stagiaires & thésards sont plus livrés à eux même qu'autre chose, d'où usure prématurée du matos à cause d'erreurs de manips, aucun suivi du matériel confié à la sortie du labo etc...
Les autres problèmes de la fonction publique : absentéisme, placardiser au lieu de virer, pré-retraite à salaire plein (également nommé "on lève le pied") sans parler de l'administratif...
Pour ce qui est de la dîme prélevée sur les contrats et autres "impôts" sur la recherche, certaines universités taxent également les locaux de recherche au m². Cet argent va le plus souvent à la pédagogie, perso ça ne me choque pas plus que ça. Par contre la logique du secteur public du 'il faut consommer les contrats" sous peine de les perdre et de perdre les suivants conduit aussi à beaucoup de gaspillages. Le pire c'est que histoires sont quotidiennes et qu'on perd un temps fou par rapport au privé et à l'étranger.
Mais ce sont les propos d'un futur-ex jeune chercheur qui a été vacciné de la recherche par ses 7 années de labo. Mais bon, je vois que pas mal de mes camarades qui comme moi voulaient intégrer la recherche publique française s'en détournent au profit du privé ou de l'étranger (ou reconversion). Et le plus souvent ce ne sont pas les moins brillants...