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Version complète : Il etait une fois dans l'ouest de Marseille
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beepees a écrit :Et dans le mitant du lit la rivière y est profonde...

:bienjoué: Je connais, je connais....
C'est dans la chanson
"Hommage du palais, hommage du palais,
Y a une tant belle fille lon-la, y a une tant belle fille"

Vu ta dilection avouée pour le jus de la vigne, Beepees, cet hommage du palais est bien de circonstance, en verre et contre tout....:D
Pour le pinard, y'a un topic !!! :Pixie

Ici c'est le Far West (de Marseille) !!! Il nous faut de la bière... :bienjoué:
Mathildien75 a écrit :Pour le pinard, y'a un topic !!! :Pixie

Ici c'est le Far West (de Marseille) !!! Il nous faut de la bière... :bienjoué:

Et même de la Canebière ! ;)
cabotdelaceze a écrit :Et même de la Canebière ! ;)

Tu le mérites là : :excellent
de la 16!! (cabot de la 16...64!)


:jout1:
Felow a écrit :de la 16!! (cabot de la 16...64!)


:jout1:

:D Alors, là, moi je dis bravo.
J'adore les jeux de mots et les cronembours:bienjoué:
Le jeux démos j'aime pas trop !!! :allvert:
cabotdelaceze a écrit :::crazy.gi M'enfin, les poissons n'ont pas de mains ! Du coup, ça rend le travail d'écriture un peu long :langur2:
T'as qu'à bosser en attendant Cabot :D

C'est ce que je fait mais à force de bosser mon cerveau fume :langur2:
CHAPITRE 4

Le Capitaine

La mort de Mario, l’éviction de Perrin, l’arrivée d’la caution Marseillaise…

Ces derniers jours, décidément, les nouvelles s’étaient succédé sans discontinuer, claquant comme l’élastique du slip d’une starlette pendant une panne d’électricité !

Cette phrase imagée du grand Frédéric Dard, Olivier l’avait lue voilà bien trente ans dans un San-Antonio. Et sa fichue mémoire, labyrinthe obsédant, l’avait imprimée sans jamais l’effacer…

Il l’avait laissé partir, le Frédéric aux yeux bleus, sans lui envoyer la lettre qu’il projetait de lui adresser depuis des années.

Après la mort de Pagnol et de Brassens, il s’était pourtant promis, comme le préconisait Paul Fort (" Il faut nous aimer sur terre/ Il faut nous aimer vivants/ Ne crois pas au cimetière/ Il faut nous aimer avant ") d’écrire aux quelques célébrités qu’il aimait, juste pour le leur dire.

Il savait pertinemment que tous les gens connus reçoivent quotidiennement des missives intéressées : demandes d’aide, d’argent, de boulot ; romans, nouvelles et scénarios consternants, chansons merdiques considérées par leurs auteurs comme d’authentiques chefs-d’½uvre.

Lui, il aurait juste voulu leur dire combien il les aimait, combien ils avaient compté dans sa vie, combien il avait été influencé par leur pensée, leur humanisme, en précisant bien qu’il n’avait rien à vendre et ne quémandait rien.

Tiens, par discrétion, il aurait même pu oublier de signer sa missive, histoire que l’autre ne se sente pas obligé de répondre (de la vraie délicatesse provençale, aurait dit son père, qui était un peu chauvin)...

Qu’il reçoive juste, en plein c½ur, cette bouffée d’amour que ni la gloire ni les records de vente ne sauraient remplacer chez un véritable auteur, dont la sensibilité est nécessairement à fleur de peau.

Mais Dard était mort, lui aussi, et le dernier à qui il aurait eu envie d’adresser son cri n’était pas bien portant…

Promis, juré, dès demain il allait écrire tout ça à Renaud, le chanteur, de surcroît supporter de l’OM, en qui il se reconnaissait tout à fait.

Renaud qui, entre autres thèmes, avait su si bien parler de l’enfance (" Le sirop de la rue ", quelle petite merveille !) et dont la fêlure au fond des yeux était bien visible par tous…



X

XX

"Un coup de rouge, siouplait ! " dit le petit Claude en poussant la porte, comme tous les matins. Et Olivier savait déjà qu’il allait ajouter, comme tous les matins : "Les coups de blues, ça se soigne avec des coups de rouge", plaisanterie fine dont il ne se lasserait décidément jamais, à moins que ce gougnafier ne réalisât même pas à quel point cette antienne pouvait être horripilante.

Transposé dans son bar, le comique de répétition, si cher à Molière, lui mettait les nerfs en pelote. Le seul truc, peut-être, qui lui aurait donné l’envie de quitter ce bistrot bien tranquille dans lequel il avait trouvé refuge, sur le tard, pour enfouir les chagrins de sa vie…

Insupportable, vraiment, ces phrases toutes faites et ces formules récurrentes !

Le Capitaine aussi entrait dans cette catégorie de clients difficiles à supporter.

Il n’était évidemment ni militaire ni marin et ne devait son surnom qu’à la casquette blanche ornée d’une ancre dorée qu’il portait hiver comme été.

Un truc digne du surnom dont avait été affublé, dans les années 80, le footballeur camerounais Théophile Abega, Ballon d’Or africain ayant porté le maillot de Toulouse et que l’on appelait " Docteur " parce qu’il avait un cousin brancardier !

Se définissant comme trop rebelle pour être enfermé dans le carcan d’un métier, le Capitaine s’était inventé un travail dont l’inutilité patente était inversement proportionnelle aux revenus qu’il en tirait, l’été surtout, auprès des touristes amusés par sa dégaine autant que par ses expressions typiquement marseillaises - et le roué n’hésitait pas à forcer la note en ce domaine !

Il aidait soi-disant les gens à garer leur voiture et, contre toute attente, arrivait à vivre - ou plus exactement à boire - de cette activité hautement improbable.

En le regardant, Olivier pensait toujours à Pagnol et à sa description si pittoresque du personnage de Pétugue, piochée dans le Temps des Secrets :

" Il cultivait dans la colline une assez grande vigne de jacquez : ce raisin noir à petits grains serrés donne un vin d’une rare violence. Pétugue, qui se contentait d’un oignon le matin, de quelques tomates à midi, et de la moitié d’un pain frotté d’ail, complétait ce régime par cinq ou six litres de ce délicieux nectar, si bien qu’à sa grande indignation, on le considérait comme l’ivrogne du village… "

La phrase fétiche du Capitaine, c’était " Vrai ou faux ? ", interrogation qu’il accolait avec véhémence à la moindre de ses assertions, même la plus banale, en frappant vigoureusement le comptoir du plat de la main.

" Les femmes, toutes les mêmes ! Pas une pour racheter l’autre ! Vrai ou faux ? "

Et il tapait sur le comptoir avec sa paume, de plus en plus violemment au fil des tournées…

Aussitôt après la gent féminine, les footballeurs - trop payés, bien sûr - et plus particulièrement ceux de l’O.M., constituaient l’une de ses cibles favorites, d’autant que sa culture du jeu, héritée en ligne directe du Droit au But de l’entre-deux guerres, était pour le moins sommaire.

"Y tribblent trop ! Vrai ou faux ? " revenait ainsi immanquablement dans son discours dès lors que la conversation abordait le rivage olympien.

Une fois pour toutes, les habitués du bar avaient renoncé à lui expliquer que l’on disait "dribbler"…

Le Capitaine était un Marseillais à l’ancienne, un vrai de vrai, qui disait mècredi pour mercredi, parlait de galettes plutôt que de biscuits, prenait le car et non pas le bus et prononçait le M de Reims, le T de Metz et le X d’Auxerre…

Visiblement éméché, en dépit de l’heure encore matinale, il entreprit de s’en prendre à Mido "dont le cul, assurait-il, allait bientôt atteindre les proportions de la Porte d’Aix. Vrai ou faux ? "

Campana, occupé dans un coin à soigner une migraine de cheval, eut beau lui faire observer que le Pharaon, son cigare et son postérieur étaient présentement invités au festival de la CAN, le Capitaine en avait après l’Egyptien, qu’il avait rebaptisé Grosso Mido et qu’il ne pouvait pas voir en peinture, "même de profil sur un obélixe, avec les ziérogliffes…"

Il eut même à son endroit une formule définitive, bien qu’un peu exagérée, qui fit rire le bar tout entier :

"Ses gros yeux, y sont tellement ézorbités qu’on dirait toujours qu’il vient de voir la Bonne Mère toute nue ! Vrai ou faux ? "

Puis, d’un postérieur à l’autre, il en vint à évoquer celui, de dimensions respectables aussi, ("et toujours en errière") de Meïté, dont la technique, visiblement, ne lui semblait pas très sûre.

"Quand il a le ballon, on dirait une poule qui a trouvé un couteau. Et en plus, y veut tribbler ! Eh, dégage, vaï, figure de poupre… ! "

Après quoi, un peu calmé et savourant des yeux le nouveau ballon de rouge que le petit Pascal venait de lui offrir, il se fit malicieux :

- " Moi, le match de Coupe contre Paris, j’aimerais beaucoup que ce soit le petit nouveau qui nous le gagne" annonça-t-il en ménageant ses effets.

- Qui ça ?, dit Pascal, intrigué.

- Le petit jeune, là, qui est entré contre Lens en fin de match (il prononçait " mache ")...Un noir, costaud…

- Ah, vous voulez parler de Barry…Et pourquoi ?

- Parce que s’il nous gagnait le mache, tout le stade pourrait chanter "Ba-rry, Ba-rry, on t’a-dule… !"

Ayant ainsi provoqué l’hilarité générale, le Capitaine, grisé par son succès autant que par le rouge, commença à dépasser les bornes, sous le regard courroucé d’Olivier qui veillait toujours à ce que les choses ne dégénèrent pas.

Après avoir fustigé l’attitude du Parisien Bernard Mendy qui avait déclaré ne pas connaître José la caution Marseillaise ("Mais qui c’est, cette tronche d’api qui a même pas 60 matches chez les Pros et qui ne connaît pas la caution Marseillaise qui en a 300 ? "), le Capitaine entreprit ainsi d’aller raconter sa blague préférée, que tout le monde connaissait par coeur, au seul "étranger" présent dans l’établissement, un monsieur bien mis et vraisemblablement trop ponctuel qui semblait attendre l’heure de se rendre à son rendez-vous d’affaires en buvant un café.

- " C’est une histoire qui se passe à la télé, à l’émission le Mot le Plus Long" expliqua-t-il d’autorité à l’autre qui n’avait rien demandé. Face à face, il y a un Parisien et un Marseillais. Ils se regardent en chiens de faïence, tant et si bien qu’ils ne font pas attention au tirage et qu’ils se retrouvent avec neuf consonnes. L’animateur, il commence à dire que le coup est annulé et puis voilà que le Marseillais annonce : " Sept lettres…"

Tout le monde est étonné et alors, il dit : " P-S-G-C-D-P-D… !
"

Cette fois, le Capitaine essuya un bide total. Seul l’ "étranger du dehors" esquissa un sourire et encore était-ce par pure politesse car, visiblement, le football ne faisait pas partie de ses préoccupations majeures.

- "Allez, Capitaine, maintenant c’est bon ! Vous êtes un peu fatigué et vous devriez aller faire un tour dehors " dit Olivier en le raccompagnant vers la porte. " Je suis sûr qu’il y a du travail qui vous attend. De l’auto financement, en quelque sorte…"

- "Vu son état, ça pourrait même être de l’auto destruction",
ajouta finement le petit Claude en terminant son verre.

X

XX

- "Allez, O.M., on y va " avait aussi dit Jules en terminant son verre d’eau minérale dans un geste identique, voilà bien des années. Tout va bien se passer, tu verras…"

"O.M." ! Le surnom donné par le journaliste Louis Dupic lui était resté et tout le monde l’appelait comme ça, alors.

Que c’était loin, tout ça !

Premier match amical avec les Pros, dans le Vaucluse. Premier " vrai " maillot de l’O.M. qu’il enfilait, lui qui jouait en blanc depuis ses onze ans. En ce temps-là, aucun club ne vous accueillait plus tôt. Pas d’école de football, pas de poussins, il fallait avoir onze ans pour signer une licence. Le foot, on y jouait dans la rue ou dans les terrains vagues, qui étaient légion dans Marseille à l’époque. Voire dans de " vrais " stades, souvent ouverts aux quatre vents et laissés sans surveillance…

Il se revoyait, les yeux noyés de larmes, descendre avec son père l’escalier monumental du siège olympien qui se trouvait en ce temps-là place Félix - Baret, devant la Préfecture.

Il n’avait que dix ans et le secrétaire général du club en personne, le gentil M. Darrason, qu’il allait apprendre à connaître par la suite, venait de leur opposer poliment une fin de non-recevoir. "Revenez dans un an" leur avait-il dit d’un air désolé.

Sa détresse et ses larmes maladroitement refoulées avaient ému son père et il y avait gagné la promesse solennelle d’avoir de vraies chaussures à crampons. Oh, pas des neuves, bien sûr…

Les souvenirs de la guerre étaient encore très présents dans les mémoires au début des années soixante et l’on ne gaspillait pas.

Selon un principe que Décathlon devait d’ailleurs remettre en vogue des années plus tard avec les vélos et les skis, les magasins d’articles de sport reprenaient régulièrement les chaussures de foot et les revendaient.

C’est comme cela qu’il avait franchi la devanture bleu ciel du magasin d’André Gascard, à droite en descendant la rue de Rome, entre Castellane et la Préfecture.

André Gascard (lui aussi avait des yeux bleu porcelaine) dont Olivier ne savait pas encore qu’il avait été joueur, dirigeant, entraîneur et archiviste d’un club auquel il vouait une véritable passion.

Comme cela qu’il avait fait la connaissance d’un homme fascinant qui allait lui inculquer l’amour de l’O.M. : car une fois devenu Olympien, sur le chemin du siège - où il fallait impérativement passer le samedi si l’on voulait jouer le dimanche - il allait prendre l’habitude, malgré sa timidité, de s’arrêter dans la boutique magique, écoutant sans mot dire M. Gascard et d’autres glorieux anciens - Alcazar, Cabassu, Max Conchy, Joseph Gonzalès, les frères Dard – raconter leur jeunesse et la fabuleuse épopée des joueurs au maillot blanc.

C’est comme cela enfin qu’il avait découvert, alignées à même le sol, ces merveilles de chaussures Hungaria qui allaient tant le faire souffrir, avec leurs crampons en cuir aux clous impitoyables…

Les souliers Adidas n’existaient pas encore, du moins pas en France où leur apparition allait constituer une véritable révolution. On ne trouvait sur le marché que des Hours ou des Kopa Resistex. Et puis ces Hungaria (la grande marque de ballons de l’époque, dont les panneaux ronds évoquaient un casque de scaphandrier) qui, en dépit et au-delà de la douleur, allaient constituer, et de loin, le plus beau cadeau qu’il ait reçu dans son enfance…

Très bon élève, Olivier bénéficiait d’une paix royale au sein de sa famille pour assouvir sa dévorante passion pour le foot.

Il se revoyait, jouant interminablement dans la cour, derrière la maison familiale, avec une vieille balle de tennis usée jusqu’à la trame. C’est là qu’il avait forgé son talent, son sens du rebond, son adresse étonnante sur les reprises de volée qui semblaient si faciles à effectuer, ensuite, avec un vrai ballon.

Il jouait des heures, tout seul, infatigable, s’inventant des finales, des buts, des situations désespérées qu’il parvenait in extremis à renverser.

Il revoyait ces matches endiablés avec ses copains, sur des mauvais morceaux de terrain herbus ou même carrément dans quelque rue tranquille. Les voitures, alors n’étaient pas si nombreuses…

Quatre cartables jetés à terre, je-chante-et-je-demande-impair, les bons devant et les autres derrière, à-trois-corners-y-a-péno…

Quelle belle jeunesse il avait eue ! Libre, joyeuse, insouciante, parsemée de succès…

Tout ça pour rencontrer tant de malheurs ensuite, comme si le meilleur était irrémédiablement concentré au début…

Comment il avait chanté ça Renaud ? Ah, oui !

" Le jour où j’mourirai

Puisque c’est écrit

Qu’après l’enfance c’est

Quasiment fini

Devant l’autre charlot

J’espère arriver

La boule à zéro

Et la morve au nez

Du mercurochrome

Sur mes genoux pointus

Qu’il connaisse l’arôme

Du sirop de la rue

Lui qui a eu tant de mômes

Et qui les a perdus "

(A suivre)

Théophile Cabot de la Cèze

:bienjoué: :bienjoué: :bienjoué:

Tu vas faire une heureuse dans ton fan club Théo !!! Encore une fois bravo... :Pixie

Tu es un écrivain réaliste...
C'est long :étonmax:
J'ai jamais le courage de lire... :frappé:
:étonmax: La classe Cabot la grande classe meme :bienjoué:

Mais tu sembles bien connaitre les bistrots dis donc :allvert:
donc y'a désormais jules et campana dans l'affaire... :allvert: l'énigme progresse... :laclasse:
Ca se lit comme du p'tit lait...Vrai ou Faux ? :bienjoué:
Nil Sanyas a écrit :C'est long :étonmax:

Mais c'est bon!
C'est mon épisode préféré... :langur2: Du grand Théophile, as usual :bienjoué:
Frédéric Dard, l'idole de tout un peuple !!! :bienjoué:

« C'est beau la langue française. Si elle n'existait pas, je crois que j'aimerais mieux faire des dessins ! », Du poulet au menu, 1958
Pixie a écrit ::étonmax: La classe Cabot la grande classe meme :bienjoué:

Mais tu sembles bien connaitre les bistrots dis donc :allvert:


:D Le cabot étant un poisson, il est normal que j'aie des amis dans les bars, mon loup;)
Huhu mouché je suis ::crazy.gi
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