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Version complète : En attendant Gogo...
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Acte I

Un soir, sur la route des transferts, lors d’un mercato peu agité. Deux vagabonds, Pape Diouf et Bouchet (ils ne se désignent que par leurs diminutifs, « Pape » et « Cricri »), se retrouvent pour attendre un certain Gogo (international capé), qu’ils n’ont jamais vu, mais avec qui ils pensent avoir rendez-vous.

Rue Negresko, avec femme de ménage.

Pape Diouf, assis devant une bière, essaie de trouver une solution pour l’année prochaine. Il s’acharne des deux mains sur son mobile, en ahanant. Il s’arrête, à bout de force, se repose en haletant, recommence. Même jeu.

Entre Bouchet.


_Pape (renonçant à nouveau).- Rien à faire.
_Bouchet (s’approchant à petits pas raides, les jambes écartées).- Je commence à le croire. (Il s’immobilise.) J’ai longtemps résisté à cette pensée, en me disant, Christophe, sois raisonnable. Tu n’as pas encore tout essayé. Et je reprenais le combat. (Il se recueille, songeant aux transferts.)
_Pape.- Assez. Aide-moi à allumer cette saloperie. (Lui tendant son portable)
_Bouchet.- Avant l’ouverture du mercato, on se serait jeté en bas de la tour FR3. On portait beau alors. Maintenant il est trop tard. On ne nous laisserait même pas monter. Les abonnements vont bientôt commencer. (Pape Diouf s’acharnant sur son portable). Qu’est-ce que tu fais ?
_Pape.- J’écoute ma messagerie. Tu n’as pas de messages toi ?
_Bouchet.- Depuis le temps que je te dis qu’il ne faut pas les écouter tous les jours, tu te fais du mal. Tu ferais mieux de m’écouter.
_Pape (Faiblement).- Aide-moi !
_Bouchet.- Et pour DD ?
_Pape.- Qu’est-ce que tu veux que je te dise, tu as dit qu’on attendait les abonnements.
_Bouchet (Rêveusement).- Les abonnements... (Il médite) C’est long, mais ce sera bon. Qui disait ça ?
_Pape.- Tu ne veux pas m’aider ?
_Bouchet.- Des fois je me dis qu’on exagère quand même. Alors je me sens tout drôle. (Il prend le journal, regarde dedans, y promène sa main, la secoue) Comment dire ? Soulagé et en même temps... (Il cherche)... épouvanté. (Avec emphase) E-POU-VAN-TE. (Il prend à nouveau le journal, regarde dedans.) Ca alors ! (Il tape dessus comme pour en faire changer le contenu) Enfin... (Pape Diouf, au prix d’un suprême effort, parvient à écouter sa messagerie. Il regarde son portable, tape dix fois sur dièse, regarde le niveau de la batterie, l’éteint avec des yeux vagues.) – Alors ?
_Pape.- Rien.
_Bouchet.- Fais écouter.
_Pape.- Il n’y a rien à écouter. Et toi le journal ?
_Bouchet.- Non, on n’a toujours recruté personne !
_Pape.- Ca ! On le saurait !

A la place de Gogo (l’international capé), survient un étrange attelage : le couple DD lié par l’âge, fait son entrée. N’ayant d’égal à la perle ivoirienne, que les initiales laborieusement fusionnées, Déhu et Desailly occupent un temps la une des gazettes. Marcello, que nous nommerons ainsi pour nous rappeler aux doux souvenirs des promesses godotiques argentines, est-il le fameux Gogo ?
Qui est ce fameux Frédo, vaquant au marché de Saint-Sauveur, duquel Pape et Cricri comptent tirer quelque chose ? A vrai dire, son club Rang Cul Niais (PSG pour les intimes), l’a chassé à la connaissance de son dessein. Les supporters de ce dernier ont ajouté : « Pour bien faire, il faudrait le tuer. »

Dehu se mit à pleurer.

_Pape et Cricri.- Il pleure !
_Vahid.- Les vieux chiens ont plus de dignité. (Clapit-il au sortir d’un soupir agacé) Consolez-le puisque vous le plaignez. (Pape hésite) Prenez. Essuyez-lui les yeux. Comme ça il se sentira moins abandonné.
_Bouchet.- Donne, je le ferai, moi.
_Vahid.- Dépêchez-vous. Bientôt il ne pleurera plus !

Après leur départ, un message de l’agent de Gogo annonce que son joueur ne téléphonera pas aujourd’hui, mais sûrement demain. La nuit tombe tout à coup.

_Pape.- Je me demande si on n’aurait pas mieux fait de rester seuls, chacun de son côté. (Un temps) On n’était pas fait pour le même chemin.
_Bouchet (sans se fâcher).- Ce n’est pas sûr.
_Pape.- Non rien n’est sûr.
_Bouchet.- On peut toujours se quitter si tu crois que ça vaut mieux.
_Pape.- Maintenant ce n’est plus la peine.
Silence
_Bouchet.- C’est vrai, maintenant ce n’est plus la peine.
Silence
_Pape.- Alors on y va ?
_Bouchet.- Allons-y.
Ils ne bougent pas.

RIDEAU
Acte II.


Lendemain. Même heure. Même endroit.
Journal du jour sur la table. Téléphone allumé, prêt à sonner.
Entre Bouchet, vivement. Il s’arrête et regarde longuement le journal. Puis brusquement il se met à arpenter vivement la scène dans tous les sens. Il s’immobilise à nouveau devant le téléphone, se baisse, l’examine, le renifle, le remet soigneusement à sa place. Il reprend son va-et-vient précipité, tout excité. S’arrête brusquement, joint les mains sur la poitrine, rejette la tête en arrière, plie les genoux et se met à chanter à tue-tête :


Kalinka, kalinka, kalinka moya!
V sadu yagoda malinka, malinka moya!
Hej! Kalinka, kalinka, kalinka moya!
V sadu yagoda malinka, malinka moya!
Hej! Kalinka, kalinka, kalinka moya!
V sadu yagoda malinka, malinka moya!
Hej! Kalinka, kalinka, kalinka moya!
V sadu yagoda malinka, malinka moya!

Il se tait, reste un moment immobile, puis se remet à arpenter fébrilement le bureau dans tous les sens. A ce moment Pape Diouf entre, tête basse et traverse lentement le bureau.

_Bouchet.- Encore toi ! (Pape s’arrête mais ne lève pas la tête. Bouchet va vers lui.) Tu as lu la presse ? Viens que je t’embrasse !
_Pape.- Ne me touche pas !
Bouchet suspend son vol, peiné. Silence.
_Bouchet.- Veux-tu que je m’en aille ? Pape ! (Un temps, Bouchet le regarde avec attention) On t’a battu ? (Un temps) Pape ! (Pape Diouf se tait toujours tête basse.) Les supporters ont lu la presse, c’est ça ? (Silence. Bouchet avance.)
_Pape.- Ne me touche pas ! Ne me demande rien ! Ne me dis rien !
_Bouchet.- Qui t’a esquinté ? Raconte-moi.
_Pape.- Les 42 millions ont été dévoilés par la presse ! Tout le monde n’a pas dansé la Kalinka !
_Bouchet.- Aïe ! Mais maintenant tu es là, je suis content. Dis je suis content.
_Pape.- Je suis content.
_Bouchet.- Moi aussi.
_Pape.- Moi aussi.
_Bouchet.- Nous sommes contents.
_Pape._ Nous sommes contents. (Silence) Qu’est-ce qu’on fait, maintenant qu’on est content ?
_Bouchet.- On attend Gogo.
_Pape.- C’est vrai.
Silence.

Pape Diouf semble avoir oublié ce qu’il avait fait la veille.

_Bouchet.- On t’a rappelé ?
_Pape.- Qui m’aurait appelé ?
_Bouchet.- Les internationaux qu’on a promis. Tu ne te rappelles pas ?
_Pape.- Tu l’as rêvé.
_Bouchet.- Est-ce possible que tu aies oublié déjà ?
_Pape.- Je suis comme ça. Ou j’oublie tout de suite ou je n’oublie jamais.
_Bouchet.- Et Desailly et Dehu, tu as oublié aussi ?
_Pape.- desailly et Dehu ?
_Bouchet.- Tu as tout oublié !
_Pape.- Je me rappelle d’un énergumène qu’il a fallu éponger. Ensuite il s’est arrêté.
_Bouchet.- C’était Dehu !
_Pape.- Ca je m’en souviens. Mais quand c’était ?
_Bouchet.- et l’autre qui l’accompagnait, tu t’en souviens aussi ?
_Pape.- Il était très vieux.
_Bouchet.- C’est Desailly !
_Pape.- Et tu dis que c’était hier tout ça ?
_Bouchet.- Mais oui voyons.
Long silence.
_Bouchet.- Dis quelque chose !
_Pape.- Je cherche.
Silence.
_Bouchet (Angoissé).- Dis n’importe quoi !
_Pape.- Qu’est-ce qu’on fait maintenant ?
_Bouchet.- On attend Gogo.
_Pape.- C’est vrai.

L’agent de Gogo appelle. Il prétend le faire pour la première fois. Bouchet peut réciter son message avant lui : Gogo n’appellera pas ce soir, sûrement demain. La nuit tombe brutalement. Pape et Cricri envisagent de se pendre en nouant les billets qu’ils ont récoltés de la vente du géant Belge. Mais la vente n’ayant pas été assez importante, le manque d’épaisseur de la liasse, fait rompre le stratagème.

_Bouchet.- Cette liasse ne vaut rien.
_Pape.- Tu dis qu’il faut revenir demain ?
_Bouchet.- Oui.
_Pape.- Alors on apportera une bonne liasse (Kalinka, Kalinka, Kalinka moya !)
_Bouchet.- C’est ça.
Silence.
_Pape.- Cricri.
_Bouchet.- Oui
_Pape.- Je ne peux plus continuer comme ça.
_Bouchet.- On dit ça.
_Pape.- Si on se quittait ? Ca irait peut-être mieux.
_Bouchet.- On se pendra demain. (Un temps) A moins que Gogo ne vienne.
_Pape.- Et s’il vient ?
_Bouchet.- Nous serons sauvés.
_Pape.- Alors on y va ?
_Bouchet.- Allons-y.
Ils ne bougent pas.

RIDEAU
:thumbup: Très drôle mais pas très gaie. Tu ne serais pas en train de nous couver une petite déprime Console

Aller avec une peu de chance ils vont finir par le sortir du chapeau le lapin ultra technique et créatif qui déchire tout... Où pas.
punaise j'ai comme un coup de déprime d'un coup, je vais me coucher...Crying
Fanfarlo a écrit :_Bouchet.- Aïe ! Mais maintenant tu es là, je suis content. Dis je suis content.
_Pape.- Je suis content.
_Bouchet.- Moi aussi.
_Pape.- Moi aussi.
_Bouchet.- Nous sommes contents.
_Pape._ Nous sommes contents. (Silence) Qu’est-ce qu’on fait, maintenant qu’on est content ?
_Bouchet.- On attend Gogo.
_Pape.- C’est vrai.
Silence.


Exellent cette scene comme tout le reste :lmfao:

Moi qui croyait que pendant les vacances ça serait le calme plat, c'est loin d'etre le cas et ça fait vraiment plaisir, chapeau :y:
très bien ! du théatre, ça manquait !Mf_doof on l'éditera demain dans la nuit pour ne pas provoquer d'embouteillages avec caligula ... fais péter fanfarlo une photo 80 par 80...;)
Merci beaucoup, ça fait plaisir Tongue Wub

Je vais essayer de trouver une photo à ces dimensions.
Ca represente quoi cette photo ? Wicked
Excellent et original Laugh ...

Par contre, (d'après mes sources Boeuf Modienne Tongue ) ne dit on pas plutôt "en attendant Godot" :)
Très original et beaucoup de talent fanfarlo !!! Bye1
Merci beaucoup pour toutes ses belles choses.

En fait j'ai choisi Gogo, et pas Godot, pour pas que ça fasse trop! Pauvre Beckett quand même! Et en plus, ça fait double usage, car Gogo est le surnom d'Estragon dans la pièce. Et un gogo c'est aussi une sorte de rigolo qu'on ne prend pas au sérieux. Voilà pourquoi je l'ai choisi Blush

Merci encore Bowdown
:mf_laughb excélent punaise ca m'a fait marrer excélent!!!! Wub
Digne des plus grand cette tirade,Je paierai pour voir Pape et Bouchet sur scene comme Nanard,a jouer leur propre role.
Laugh
Emorme ! Samuel, le tragédien pas le néo-défenseur central du Real vient de se retourner dans sa tombe... de bonheur ! ;)

Hephaistos

Toujours aussi magique Waddle!
Super Fanfarlo nouvelle idée nouveau concept en ces temps moroses niveau info ça met du sent bon dans la fumerie (qui commence à cocotter le poney biscotte y a que des fauves) Punk
:thumbup: sublime (Rang Cul Niais Laugh ).

Vivement la suite Punk (car suite il y aura, c'est une certitude)
:mf_w00t2: oui la suite!!
Yankee a écrit ::mf_w00t2: oui la suite!!

http://www.opiom.net/dossiers/dossiers.p...ossier=487
cette pièce est prémonitoire voire légendaire...Clap
Ben oui, elle ressort tous les ans à la même époque rue Negressko Sly
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