Pour mémoire :
moi-même et le fanzine des SW a écrit :
[size=+2][size=+2]HASTA LA VICTORIA SIEMPRE
Dans son édition du samedi 4 décembre 2004¸l’Equipe Magazine consacrait un reportage à Lucarelli, joueur de Livourne revenu évoluer dans le club de son c½ur au nom de certaines valeurs. Un exemple dont feraient bien de s’inspirer certains joueurs…
Voici l’article dans son intégralité :
LUCARELLI, LE « CHE » DU CALCIO
L’attaquant italien Cristiano Lucarelli n’a jamais caché ses convictions communistes, tant comme supporteur de Livourne, en Serie A.
UN, deux, trois… Livourne. Avec Cristiano Lucarelli, on peut facilement paraphraser Ernesto Guevara qui exhortait les « anti-impérialistes » des années 60 à « créer un, deux, trois Vietnam ». Aujourd’hui, le « Che » et sa barbe fleurie ont été imprimés sur des millions de tee-shirts à travers le monde. Lucarelli en portait un, sous son maillot de l’équipe d’Italie Espoirs, quand, en 1997, il inscrivit un des six buts des Transalpins face à la Moldavie. Ce match éliminatoire du Championnat d’Europ se déroulait à l’Ardenza, le stade de Livourne. Le poing levé, Cristiano Lucarelli se dirigea alors vers le virage nord et releva son maillot pour présenter l’effigie du leader cubain à ses supporters en délire.
Cette image, dépassant elle aussi la réalité, a fait le tour de son (plus petit) monde. Cristiano Lucarelli, attaquant, buteur né en 1975 à Livourne, est ainsi devenu « le footballeur communiste ». Ce cliché le poursuit encore, et il faut dire qu’il y met du sien pour l’entretenir. Pas plus tard que fin novembre, la commission d’appel de la Fédération italienne a confirmé l’amende de 30000 euros qui lui avait été infligée pour avoir déclaré : « Ils veulent nous faire redescendre pour des raison politiques, parce que nous sommes de gauche. L’an dernier, les quatre équipes (Pérouse, Modène, Empoli et Ancône) dont les supporters exposaient l’image du Che Guevara en tribunes ont été rétrogradées en Serie B. Maintenant, c’est notre tour ! » L’accusation lancée à Gênes le 3 octobre, au soir de la 5e journée de la Serie A, après une nouvelle défaite (0-2) face à la Sampdoria, a fait grand bruit. Parmi le tollé soulevé, notons la réaction d’Adriano Galliani, vice-président du Milan AC, président de la Ligue italienne et, par ailleurs, bras droit de Silvio Berlusconi, chef du gouvernement (de droite) et président du Milan AC : « C’est la chose la plus grave que j’ai entendue depuis que je suis dans le football… » Peu de voix se sont élevées en soutien du capitaine de Livourne. On n’en a que mieux entendu celle de Marcello Lippi, le sélectionneur national, affirmant que « Cristiano s’est laissé emporter, mais ses idées sont respectables… ». Ses idées, Cristiano Lucarelli ne fait pas que les émettre, parfois trop bruyamment ou maladroitement, il les transforme en actes. Elles ont été condensées dans un livre écrit en collaboration avec Carlo Pallavicino, son agent et confident, intitulé Le milliard (de lires), vous pouvez vous le garder. On y découvre le cheminement qui l’a conduit à renoncer au salaire doré réservé à tout attaquant de son calibre pour rejoindre le club de son c½ur, celui de sa ville natale, l’aider à retrouver la Serie A quittée depuis 1949, et y parvenir. Quand il menace, au printemps 2002, de rompre son contrat (courant jusqu’en 2006) avec le Torino, le monde du football italien est interloqué. Lucarelli apparaît pour certains comme un illuminé prêchant cette croyance désuète de « l’amour du amillot ». Pour d’autres, c’est un lâche incapable d’affronter le stress engendré par « le plus beau championnat du monde » (le Calcio). Mais rien n’y fait : après cinq saisons en Serie A (Atalanta, Lecce, Torino) et une Liga espagnole (Valence), il franchit son rubicon en signant pour l’Association Sportive Livournaise, alors en Serie B, et en assurant vouloir y terminer sa carrière.
Quarante et un matches et vingt-neuf buts plus tard, le pari de l’attaquant fou est gagné. Livourne retrouve l’élite après cinquante-cinq ans de purgatoire (Serie B) ou d’enfer (Serie C). La liesse qui embrasse le port toscan est à la mesure de l’exploit. Cristiano Lucarelli n’est pas le seul artisan de ce retour au firmament, mais il en est plus que le héros, le symbole d’un phénomène qui interpelle l’Italie. Le pays est gouverné par une coalition de droite, mais si un « village » résiste, c’est bien Livourne. Ce n’est sans doute pas un hasard si, en 1921, le Parti communiste italien y a été fondé. Depuis, le port toscan s’est forgé l’image du bastion qui partage, scrutin après scrutin, la majorité de ses suffrages entre les communistes modérés (devenus démocrates de gauche) et ceux qui sont resté fidèles au dogme. Nulle part comme à Livourne, on ne trouve autant d’opposants à Forza Italia, le parti ultralibéral fondé par Berlusconi. Et nulle part, on n’en trouve autant que dans les tribunes de L’Ardenza.
Pendant longtemps, trop longtemps, Cristiano Lucarelli a participé aux rencontres de l’AS Livourne dans le virage nord, là où se rassemblent les « Brigades autonomes livournaises » (BAL), dont il fut membre fondateur. Dès que son emploi du temps de footballeur professionnel le lui permettait, il filait chez lui, ou ailleurs, pour soutenir les « Amarantes » au milieu de ses amis. Il porte aujourd’hui le numéro 99, comme l’année de fondations des « BAL », dont plus de trois cents membres sont aujourd’hui interdits de stade en application de la loi contre les violences et les slogans racistes ou politiques dans les enceintes sportives. Mais, quoi qu’il advienne et même si cela coûte cher au club, il ne se passe pas un match de l’AS Livourne sans que fuse le slogan « Berlusconi, pezzo du merda » (« Berlusconi, tas de bouse »).
Ils ont pu le hurler, à plus de dix mille gorges déployées, le 11 septembre dernier. Ce jour là, Livourne a retrouvé la Serie A au stade San Siro, face au Milan AC de Berlusconi. Et autant que la performance sportive (2-2, doublé de Cristiano Lucarelli) sur la pelouse des champions en titre, celle des supporters « amarante » a alimenté les gazettes. Après ce départ en fanfare, Livourne a peiné, dégringolant aux dernières places avant de se ressaisir, le 24 octobre, lors de la 7e journée. Ce jour là, Livourne a renoué avec son histoire, en remportant sa première victoire (1-0, but de Lucarelli) en Serie A depuis 1949.
Les Amarantes ont ensuite enchaîné les succès pour remonter dans la première moitié du classement. Avec, la plupart du temps, la même image de son buteur le poing brandi vers les « BAL ». « Hasta la victoria siempre », semble crier Cristiano Lucarelli, héros de la révolution livournaise…
Par Christian Jaurena, à Livourne.
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