14-05-2020, 11:58
(Modification du message : 14-05-2020, 15:38 par Kenneth Brylle.)
Disposant de liquidités importantes après avoir cédé récemment plusieurs actifs, le milliardaire saoudien suscite l'appétit de groupes du CAC40 tandis qu'une rumeur l'associe de nouveau à l'Olympique de Marseille.
L'ombre d'Al-Walid ben Talal plane de nouveau sur la cité phocéenne. Alors que le nom du milliardaire saoudien avait déjà circulé en 2014, le site italien Tutto Mercato Web a, le 9 mai, enflammé les réseaux sociaux en annonçant que le prince de 65 ans négociait avec le propriétaire de l'Olympique de Marseille, Frank McCourt, le rachat du club pour un montant de 250 millions d'euros. Ces affirmations, qui relèvent plus de la rumeur que d'une véritable information, ont dès le lendemain été vivement démenties par l'entourage de l'actionnaire américain dans les colonnes de La Provence. De son côté, le président de l'OM, Jacques-Henri Eyraud, a confirmé le 11 mai à Challenges que "le club n'est pas à vendre".
Selon nos informations, cet emballement autour de l'intérêt d'Al-Walid pour le club provençal, s'explique notamment par les démarches entreprises par l'un de ses proches conseillers, Kacy Grine. Ce banquier d’affaires français, fan de football et bien introduit dans l'entourage de Donald Trump, a contacté ces derniers mois l'ambassadrice américaine en France, Jamie McCourt, ex épouse du propriétaire de l'OM, afin qu'elle le mette en relation avec ce dernier. "Il y a eu un échange entre les deux hommes, confie un connaisseur du dossier. Grine a agi en banquier d'affaires, il voulait voir s'il y avait une opportunité". Dans le même temps, l'intermédiaire français, ancien de la société Bucéphale Finance fondée par Jean-Marc Forneri, l'actuel président du Conseil de surveillance du Grand Port Maritime de Marseille-Fos, soumet l'idée au richissime prince saoudien - Forbes évaluait en 2017 sa fortune à 18,7 milliards de dollars. Et ensuite ? Contactés les 12 et 13 mai, ni Kacy Grine, ni Frank McCourt, ni Kingdom Holding Company (KHC), la société d'investissement du prince Al-Walid n'ont souhaité faire de commentaires. "Il est difficile de savoir si le projet peut intéresser Al-Walid, d'autant que l'OM n'est visiblement pas à vendre, poursuit notre source. En revanche, il a vendu ces derniers mois des actifs importants et dispose de plusieurs milliards de cash qu'il entend réinvestir".
Goldman Sachs prospecte
Bien connu en France où il possède le luxueux George V et près de 6% du capital d'AccorHotels, Al-Walid a notamment bénéficié en 2019 de la vente de Careem. Cette société de voitures de tourisme avec chauffeur, dont il était actionnaire, a été cédée à Uber contre un chèque de 3,1 milliards de dollars. "Il s'est aussi délesté de plusieurs actifs en Chine, précise un familier de Kingdom Holding Company. KHC a fait savoir ces derniers mois qu'elle envisageait de nouveaux investissements dans le numérique, les biotechs ou l'hôtellerie". Goldman Sachs, banque historique du prince Al-Walid - avec Citigroup dont il est le premier actionnaire individuel - a notamment été chargée de prospecter les marchés américains et européens. "Plusieurs de ces deals devraient se faire en association avec Cascade Investment (le fonds d'investissement de Bill Gates, NDLR)" ajoute cette même source. Le fondateur de Microsoft et le milliardaire saoudien avaient notamment dépensé, en 2007, 3,8 milliards de dollars pour s'offrir la chaîne d'hôtels de luxe Fours Seasons.
Plusieurs banquiers d'affaires français sollicités par Challenges scrutent avec attention ces potentiels investissements. "Al-Walid qui aime beaucoup AccorHotels et Sébastien Bazin (le PDG, NDLR) n'hésitera pas à soutenir le groupe qui souffre très fortement de la pandémie de coronavirus", pronostique l'un d'eux. "Sa mère libanaise (Mona el-Solh, NDLR) lui a transmis l'amour de la France dont il connaît très bien l'histoire politique, ajoute un autre. Compte-tenu des liquidités qu'il entend investir, il serait étonnant qu'il ne fasse rien en France, notamment dans des groupes du CAC40 où il a déjà par le passé misé des petits tickets pour diversifier son portefeuille".Toutefois, comme le souligne le même familier de KHC déjà cité : "Malgré ses moyens et son côté parfois fantasque, Al-Walid est un financier rationnel, très américain dans son approche du business, il ne fera pas n'importe quoi. D'autant plus qu'il est moins libre que par le passé".
A-t-il les mains libres?
Ce point est justement la grande inconnue. Pris dans la purge orchestrée en 2017 par son cousin, l'omnipotent prince héritier Mohammed ben Salmane (MBS), Al-Walid avait été détenu durant trois mois à Riyad. Libéré en janvier 2018, il a depuis répété les gestes d'allégeance à MBS, notamment en affichant son soutien à la politique de diversification économique (Vision 2030) conduite par le fils du roi Salmane. KHC a notamment multiplié ces derniers mois les investissements en Arabie saoudite. Ces gages sont-ils aujourd'hui suffisants pour réouvrir au prince Al-Walid les portes de la finance internationale ? "Probablement pas, répond ce même connaisseur de KHC. Disons qu'il peut mener des projets tant que ceux-ci ne desservent pas les intérêts de MBS". A cela s'ajoutent aussi les réticences de plusieurs pays envers les investissements saoudiens après l'assassinat du journaliste Jamal Khashoggi imputé par la CIA à MBS. Les négociations actuelles tortueuses concernant le rachat du club anglais de Newcastle par le Fonds d’investissement public (PIF) saoudien sont là pour le rappeler.
Dans la version papier de Challenges, Mc Court aurait refusé l'offre.